Le façonnage, étape essentielle
Mêler le sens et la pertinence aux choix de conception
Fontaine O Livres organise un cycle de trois jours de formation fabrication & design éditorial, animé par Jérémy Alglave, de l’Atelier Polysémique. Après avoir évoqué le papier et l’impression, il explore avec nous la dimension façonnage, qui fait tout le corps du livre.
Que désigne le façonnage, dans la création d’un livre ?
Le façonnage est la dernière étape de la fabrication, une fois les feuilles imprimées, il englobe toutes les opérations pour donner forme au document. Pour un livre il convient à minima de massicoter les feuilles d’impression, de les plier en cahiers puis de les assembler et enfin de venir poser la couverture. Les opérations de finition comme le pelliculage, la forme à découpe, le gaufrage et autres marquages rentrent également dans le façonnage.
Comment aborde-t-on ce point, face à la diversité des ouvrages possibles ?
Dans la formation nous aborderons chaque étape du façonnage et ses contraintes techniques et budgétaires, l’enjeu n’est pas de devenir un expert, mais d’avoir suffisamment de connaissance pour pouvoir échanger et mettre au point le projet avec les prestataires. Nous reviendrons aussi sur l’histoire de la fabrication du livre pour mieux comprendre ses constituants et pouvoir les repenser de façon créative commme les pages gardes, le tranche-file, le signet… Ou, par exemple, se réapproprier le « bandeau de prix littéraire » en le transformant un peu pour en faire un élément de couverture original et identitaire.
En quoi le façonnage reflète-t-il le livre ? Comment parvient-on à une adéquation entre le fond et cette forme ?
Il faut essayer de penser les deux ensemble et faire des allers et retours pour imbriquer les deux. Bien souvent on adapte la forme au contenu alors qu’il vaudrait mieux modifier un peu son contenu pour l’adapter à la forme (et aux contraintes de façonnage) pour gagner en évidence, en force (et parfois en budget). Certes le façonnage doit mettre à disposition le contenu, il peut-être identitaire et porteur de sens. Un simple fil rouge pour relier les cahiers d’un livre en écho avec le propos peut suffire à créer une identité de collection et une connivence avec le lecteur.
À quel moment de la fabrication doit-on envisager ce point ?
Dès le départ, par exemple le choix du type de reliure a une incidence sur la maquette, un dos carré collé s’ouvre beaucoup moins qu’une reliure cousue, il lui faudra donc une marge intérieure plus grande. Pour pouvoir mélanger des cahiers couleur et des cahiers noir et blanc, le contenu doit pouvoir se découper en nombre de pages multiple de 16 ou 32. Enfin une bonne idée de fabrication peut même être au départ du projet et conditionner le contenu dans le cas de livre « concept ».
Vous-même, comment avez-vous découvert qu’il était possible d’en faire un élément déterminant de la conception ?
C’est très courant maintenant, mais peut-être la première fois où j’ai vu qu’un livre pouvait se passer de couverture avec les cahiers et la reliure apparente. Sinon au sein de l’atelier Polysémique, ça a toujours été une évidence, nous essayons toujours de mêler le sens et la pertinence à tous nos choix de conception. Par exemple avec ce livret de sensibilisation pour la Cimade : nous avons utilisé un filtre rouge qui permet de décrypter les vrais chiffres sur l’immigration et qui rend la lecture interactive et ludique.
Précédemment, nous évoquions des questions liées au choix du papier. Comment articuler l’un et l’autre ?
Le choix du papier doit être pensé en même temps que le façonnage, il conditionne en partie le poids et le volume du livre. Avec un papier extrêmement bouffant (papier épais pour un poids faible), vous pouvez par exemple faire qu’un livre ressemble à un épais volume très lourd type dictionnaire et créer un effet de surprise au moment où l’on prend le livre il semble extrêmement léger et souple.
Quelles sont les recommandations essentielles à ce titre ?
Dans notre formation nous avons la chance que des professionnels de grande qualité se déplacent et nous fassent visiter leur atelier pour mieux comprendre les processus et les contraintes de fabrication, car ils sont complexes et les savoir-faire nombreux. Dès que l’on essaie de sortir des standards il y a une toujours un risque, mais on peut le maîtriser avec de l’anticipation, des tests, et surtout le conseil et l’échange avec des prestataires compétents. Il faut donc prévoir du temps pour pouvoir faire cela sereinement, et relativiser les délais, car une fois imprimé, un livre bien fait est censé pouvoir exister au moins un demi-siècle, on n’est plus à un mois près pour qu’il soit prêt.
Quel est le lien entre l’imprimeur et le façonnier ?
La plupart du temps c’est l’imprimeur qui prend en charge le façonnage et qui en prend la responsabilité, il n’y a pas de visibilité pour le commanditaire, il faut lui faire confiance. L’imprimeur a souvent une chaîne de façonnage en interne pour les demandes les plus courantes (plis simples, carré collé), mais pour les tâches spécialisées comme la reliure cartonnée il passe par des façonniers spécialisés. Chaque imprimeur a son réseau de prestataires dont il connaît les qualités, c’est pourquoi il est important aussi de choisir l’imprimeur suivant sont placement et son expérience, tous les imprimeurs ne savent pas gérer correctement la fabrication d’un livre par exemple. Également avec la demande croissante de fabrication originale certains imprimeurs de qualité intègrent maintenant un bureau d’étude dédié à la fabrication, ce qui permet à tout le monde même avec une connaissance limitée de mettre au point des fabrications sur mesures.
> Lire aussi l'interview : Le papier dans la fabrication du livre
> Lire aussi l'interview : Impression, encres et finitions
> Découvrir la formation Fabrication & Design Éditorial
Article paru initialement sur Actualitte.com - Reproduit avec leur aimable autorisation.
Que désigne le façonnage, dans la création d’un livre ?
Le façonnage est la dernière étape de la fabrication, une fois les feuilles imprimées, il englobe toutes les opérations pour donner forme au document. Pour un livre il convient à minima de massicoter les feuilles d’impression, de les plier en cahiers puis de les assembler et enfin de venir poser la couverture. Les opérations de finition comme le pelliculage, la forme à découpe, le gaufrage et autres marquages rentrent également dans le façonnage.
Comment aborde-t-on ce point, face à la diversité des ouvrages possibles ?
Dans la formation nous aborderons chaque étape du façonnage et ses contraintes techniques et budgétaires, l’enjeu n’est pas de devenir un expert, mais d’avoir suffisamment de connaissance pour pouvoir échanger et mettre au point le projet avec les prestataires. Nous reviendrons aussi sur l’histoire de la fabrication du livre pour mieux comprendre ses constituants et pouvoir les repenser de façon créative commme les pages gardes, le tranche-file, le signet… Ou, par exemple, se réapproprier le « bandeau de prix littéraire » en le transformant un peu pour en faire un élément de couverture original et identitaire.
En quoi le façonnage reflète-t-il le livre ? Comment parvient-on à une adéquation entre le fond et cette forme ?
Il faut essayer de penser les deux ensemble et faire des allers et retours pour imbriquer les deux. Bien souvent on adapte la forme au contenu alors qu’il vaudrait mieux modifier un peu son contenu pour l’adapter à la forme (et aux contraintes de façonnage) pour gagner en évidence, en force (et parfois en budget). Certes le façonnage doit mettre à disposition le contenu, il peut-être identitaire et porteur de sens. Un simple fil rouge pour relier les cahiers d’un livre en écho avec le propos peut suffire à créer une identité de collection et une connivence avec le lecteur.
À quel moment de la fabrication doit-on envisager ce point ?
Dès le départ, par exemple le choix du type de reliure a une incidence sur la maquette, un dos carré collé s’ouvre beaucoup moins qu’une reliure cousue, il lui faudra donc une marge intérieure plus grande. Pour pouvoir mélanger des cahiers couleur et des cahiers noir et blanc, le contenu doit pouvoir se découper en nombre de pages multiple de 16 ou 32. Enfin une bonne idée de fabrication peut même être au départ du projet et conditionner le contenu dans le cas de livre « concept ».
Vous-même, comment avez-vous découvert qu’il était possible d’en faire un élément déterminant de la conception ?
C’est très courant maintenant, mais peut-être la première fois où j’ai vu qu’un livre pouvait se passer de couverture avec les cahiers et la reliure apparente. Sinon au sein de l’atelier Polysémique, ça a toujours été une évidence, nous essayons toujours de mêler le sens et la pertinence à tous nos choix de conception. Par exemple avec ce livret de sensibilisation pour la Cimade : nous avons utilisé un filtre rouge qui permet de décrypter les vrais chiffres sur l’immigration et qui rend la lecture interactive et ludique.
Précédemment, nous évoquions des questions liées au choix du papier. Comment articuler l’un et l’autre ?
Le choix du papier doit être pensé en même temps que le façonnage, il conditionne en partie le poids et le volume du livre. Avec un papier extrêmement bouffant (papier épais pour un poids faible), vous pouvez par exemple faire qu’un livre ressemble à un épais volume très lourd type dictionnaire et créer un effet de surprise au moment où l’on prend le livre il semble extrêmement léger et souple.
Quelles sont les recommandations essentielles à ce titre ?
Dans notre formation nous avons la chance que des professionnels de grande qualité se déplacent et nous fassent visiter leur atelier pour mieux comprendre les processus et les contraintes de fabrication, car ils sont complexes et les savoir-faire nombreux. Dès que l’on essaie de sortir des standards il y a une toujours un risque, mais on peut le maîtriser avec de l’anticipation, des tests, et surtout le conseil et l’échange avec des prestataires compétents. Il faut donc prévoir du temps pour pouvoir faire cela sereinement, et relativiser les délais, car une fois imprimé, un livre bien fait est censé pouvoir exister au moins un demi-siècle, on n’est plus à un mois près pour qu’il soit prêt.
Quel est le lien entre l’imprimeur et le façonnier ?
La plupart du temps c’est l’imprimeur qui prend en charge le façonnage et qui en prend la responsabilité, il n’y a pas de visibilité pour le commanditaire, il faut lui faire confiance. L’imprimeur a souvent une chaîne de façonnage en interne pour les demandes les plus courantes (plis simples, carré collé), mais pour les tâches spécialisées comme la reliure cartonnée il passe par des façonniers spécialisés. Chaque imprimeur a son réseau de prestataires dont il connaît les qualités, c’est pourquoi il est important aussi de choisir l’imprimeur suivant sont placement et son expérience, tous les imprimeurs ne savent pas gérer correctement la fabrication d’un livre par exemple. Également avec la demande croissante de fabrication originale certains imprimeurs de qualité intègrent maintenant un bureau d’étude dédié à la fabrication, ce qui permet à tout le monde même avec une connaissance limitée de mettre au point des fabrications sur mesures.
> Lire aussi l'interview : Le papier dans la fabrication du livre
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Article paru initialement sur Actualitte.com - Reproduit avec leur aimable autorisation.